En 1939, Nguyễn Đức Mộc est enrôlé dans les forces d’outre-mer de l’armée française, car la France, qui subit de plein fouet l’offensive allemande, recrute massivement dans ses colonies. A l’instar de l’Afrique, le Vietnam et en particulier le Tonkin, doit fournir des troupes pour participer au conflit en Europe, et ce sont les paysans pauvres incapables d’acheter la liberté de leurs enfants qui payent en nature.
Le maître Mộc est désigné par sa famille à la place de son frère aîné qui doit rester auprès des tombeaux des ancêtres, mais c’est aussi un moyen d’éloigner le jeune aventurier du village où ses actions téméraires l’exposent dangereusement. En effet, son clan est suspecté, à juste titre, de sympathiser avec le mouvement de libération et le jeune Mộc se montre un peu trop impétueux.
Mộc participe à la Seconde Guerre Mondiale avec les troupes de tirailleurs indochinois et, après bien des péripéties, il débarque en Afrique où il rejoint les troupes fidèles à De Gaules qu’il accompagne jusqu’à l’armistice. Il découvre alors un autre monde, d’autres cultures et d’autres coutumes. En principe, son absence ne doit durer que deux ans. Toutefois, ce n’est que 35 ans plus tard qu’il retrouvera sa terre natale.
A la libération, il devient ouvrier à l’usine Renault. Il étudie et teste toutes les formes d’arts martiaux qu’il rencontre : la lutte, le catch, la boxe et le judo. Il pratique seul et n’enseigne qu’à des Vietnamiens ou à des membres de sa famille. Il soutient le mouvement de libération du Vietnam mais il n’a pas le projet de créer une école.
A l’usine Renault, un maître vietnamien qui enseigne le Vật (lutte) se fait défier par un judoka et meurt des suites d’un étranglement. Un article paraît dans le journal affirmant qu’il n’existe pas de réel art martial viet. A la même période, le maître Mộc est pris à parti par un groupe de quatre ou cinq hommes très agressifs dans son atelier. Il parvient à tous les vaincre devant ses camarades de travail subjugués par sa rapidité et son aisance. Suite à ces deux évènements, le maître Mộc accepte d’enseigner son art au public.
Face au conflit qui oppose les partisans de Hồ Chí Minh qui a proclamé l’indépendance du Vietnam en 1946 et les Américains qui progressivement occupent le pays par crainte d’un bloc communiste trop puissant (guerre du Vietnam), le maître Nguyễn Đức Mộc va orienter politiquement son école vers le soutien d’oncle Hồ.
En 1957, il fonde la Fédération Française de Võ-Việtnam alors qu’officiellement le Vietnam n’existe plus pour l’Occident. Seules les puissances communistes (Chine et URSS) reconnaissent sa légitimité. Ce choix affirme non seulement qu’il existe un art martial vietnamien, mais également que le Vietnam est une nation. Il nomme alors son école « Sơn Long Quyền Thuật » (école de combat de la Montagne du Dragon) et chaque élève doit signer un engagement de soutien pour la paix au Vietnam.
Mộc organise de nombreuses démonstrations à la sortie de l’usine sur l’île Puteaux. Il participe aux manifestations anti colonialistes et assure la protection des délégations vietnamiennes qui viennent négocier les accords de paix à Paris. Son école grandit et se développe : tout d’abord en région parisienne puis dans toute la France où il compte plusieurs milliers d’élèves.
A la fin de la guerre du Vietnam, l’école Sơn Long Quyền Thuật (SLQT) cesse toute activité politique et ne se consacre plus qu’à l’étude de l’art martial.